L’insomnie un mal né dans l’enfance

3 Nov 2019 | Sommeil de bébé | 0 commentaires

L’insomnie un mal né dans l’enfance

C’est souvent dans les premières années de vie que l’on acquiert les habitudes néfastes au sommeil.

Qui pourrait s’en douter? Ce banquier de 35 ans, très bien inséré dans sa vie professionnelle, actif et engagé redoute chaque soir d’aller se coucher et lorsqu’enfin après des heures de lutte intérieure il est obligé de s’endormir devant la télévision allumée.

Pour Aurélie Meyer Mazel, Psycologue au centre médical Veille sommeil de Paris, certain adopte des stratégies typique des phobies d’endormissement et du silence. Habituées au contrôle ces personnalités anxieuses éprouvent une énorme difficulté à lâcher le monde extérieur qu’elle maîtrise pour rentrer dans le monde archaïque de la nuit, qui leur paraît angoissant. Le sommeil qui s’apparante à « une petite mort » ou à un retour dans le ventre de la mère.

Souvent, et parmi d’autres causes, ces difficultés datent de la prime enfance. On a établi une étude que les mauvais dormeurs entre 2 et 4 ans donneraient aussi des mauvais dormeurs entre 8 et 10 ans précise le pédopsychiatre Michel Lecendreux, du centre des pathologies et troubles du sommeil de l’hopital Robert-Debré. Et nous constatons que de nombreux adultes ont gardé de ces premières années une vulnérabilité à l’insomnie ».

Pourtant, au départ, nous sommes tous les heureux habitants du pays du sommeil: fœtus, puis nourrissons, nous dormons en moyenne seize à vingt heures par vingt-quatre heures. Nous vivons parfois des phases agitées de sommeil, mais sans même nous réveiller. C’est seulement à partir du 3e mois que la mécanique subtile de l’endormissement, puis la mise en place de huit heures de sommeil calme et les alternances de rythmes circadiens (veille/sommeil) s’installent.

Cela, bien sûr, c’est un idéal. En réalité, et malgré ce que l’expression «dormir comme un bébé» laisse à penser, un bébé se réveille en moyenne huit fois chaque nuit. Et c’est alors que la mécanique subtile peut être amenée à se dérégler, quand les parents, eux-mêmes anxieux, se chargent de «rendormir» leur petit au détriment d’une éducation à l’autonomie nocturne de celui-ci.

«En cherchant à rendormir leur enfant, la plupart font appel à des stratégies externalisées (biberon, chanson, etc.). Et, paradoxalement, provoquent ainsi son réveil, observe le Dr Michel Lecendreux. Il faut au contraire développer les stimuli internalisés propices au sommeil: par exemple, le lit doit être vraiment identifié comme l’endroit où l’enfant s’endort, seul. Trop de parents amènent leur petit dans son berceau une fois qu’il est endormi. Résultat: le lit devient pour lui l’endroit où il se réveille!»

Ne pas «ruminer» dans son lit

Et ce cercle vicieux de pouvoir s’élargir: combien de parents sont ainsi devenus insomniaques parce que leurs enfants ne dormaient pas la nuit? «Je vois des mères qui ne dorment pas bien depuis leur accouchement et celui-ci, parfois, a eu lieu il y a vingt ans, affirme Aurélie Meyer-Mazel.

Ce dont souffrent ces parents hyperattentifs aux nuits de leur progéniture, c’est d’une “dette de sommeil”. Ils viennent à manquer de ce 5e stade de sommeil, le sommeil paradoxal, qui arrive en fin de chaque cycle, et dont la proportion augmente en fin de nuit, poursuit la psychologue. C’est ce stade de sommeil pendant lequel nous avons la plus intense activité psychique: tri des événements qui se sont passés dans la journée, digestion des émotions, rêves et anticipation des prochaines actions… Le sommeil paradoxal nous permet de vivre moins anxieux. Si on ne dort pas suffisamment, on rentre alors dans une spirale infernale: moins on dort, plus on est anxieux et plus on va avoir du mal à initier le sommeil!»

Pour les spécialistes du sommeil, dormir, cela s’apprend. «J’explique aux parents qu’ils doivent “sevrer” leur enfant la nuit, explique le Dr Michel Lecendreux. En espaçant de plus en plus leur venue lorsque celui-ci les appelle, ils l’amènent à savoir s’endormir tout seul.» Autre recommandation qui vaut aussi pour les adultes: l’espace du sommeil doit être un lieu dédié au calme. Ainsi, au lieu de rester «ruminer» dans son lit parce que l’on ne dort pas, mieux vaut se lever et aller s’asseoir sur une «worry chair» (chaise à inquiétude), si possible dans une autre pièce.

Lorsque la personne est vraiment «coincée» dans une identité d’insomniaque, il peut être fructueux de suivre une psychothérapie… Qui elle aussi ramène souvent à des événements déclencheurs dans l’enfance. «Une de mes patientes dormait très mal depuis que la maison familiale avait été cambriolée alors qu’elle n’avait que 6 ans, explique Aurélie Meyer-Mazel. Ainsi, au milieu des autres pistes de recherche (organiques, comportementales…), il s’est avéré nécessaire d’emprunter la piste psychologique.» Si fragile et si important, le sommeil vaut bien une approche globale.